Description
La Fontaine imagine dans l’une de ses fables un lion soucieux de morale et consultant un singe expert. Celui-ci choisit de traiter deux points capitaux : l’amour-propre et l’injustice. Disert sur le premier, « l’injuste », poursuit-il, « aura son tour ». Le fabuliste enchaîne alors : « Ainsi parla ce singe. On ne m’a pas su dire s’il traita l’autre point, car il est délicat. »
Camus a été moins délicat que ce singe : « l’injuste » fut un de ses motifs obsessionnels, sur « le juste » ou « les justes » il se prononça longtemps avec témérité. Et avec non moins de témérité jusqu’aujourd’hui ses laudateurs ou ses détracteurs le canonisent (presque) ou (presque) l’anathématisent. Ces études, dont l’auteur à son tour peut être taxé de témérité, tentent de montrer que Camus ne fut certes pas un juste, mais que sa passion véritable de la justice et les épreuves qu’elle lui valut l’amenèrent à (presque) le devenir.
L’ouvrage de Jean Sarocchi est composé de onze études dont le juste et l’injuste, à l’enseigne de Camus, forment le fil conducteur. Il commence en diptyque (deux conceptions, l’une juridique et politique, l’autre théologique, de la justice) et s’achève par un survol critique des quatre tomes de la nouvelle Pléiade. Camus est certes la constante référence, le point de mire. Mais la visée de ce travail est de mettre en cause, grâce à lui et notamment à ses liens spirituels avec Simone Weil, toute conception d’une justice immanente et de refuser la chimère d’une « transcendance horizontale », donc les chances d’une juste révolte.
Jean Sarocchi, universitaire, a enseigné à Strasbourg, Tunis et Toulouse. Il a consacré plusieurs ouvrages et de nombreux articles à Albert Camus. Il a publié en outre des textes sur Racine, Hugo, Stendhal, Huysmans, Benda, Valéry, Proust, Bernanos, Bousquet, Guilloux, Sartre, Maritain, Massignon. Il est aussi l'auteur d'un essai sur la colère. Mais il s'intéresse désormais aux bêtes plus qu'aux hommes, et aux bêtises que l'homme contemporain émet sur la bête.